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Analyse de "Maître mot,mots du maître" de Hamé (La

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Message par nomalez Dim 21 Oct - 5:04

Extrait du blog de Fatima Aït Bounoua:

www.myspace.com/ait_bounoua

Analyse littéraire d'un texte d'Hamé de La RUMEUR : "Maître mot, mots du maître...

Analyse d'un texte d'Hamé de La RUMEUR :

" Maître mot, mots du maître"



par Fatima Aït Bounoua



Texte suivi de l'analyse...



TEXTE :
Ces mots plein l'écran,
En boucle en grand,
Des cénacles aux plateaux,
Des plateaux aux éditos,
Ces mots comme l'hymne royal de la fringale des squales,
Ces mots, ces serres,
Ces crocs exonérés d'impôt sur ma sueur et sur ma peau,
Flexibles et souples, privatisés au double,
Ces mots qui ne laissent rien, laissent crever, laissent faire,
Ces mots qu'on tire tout chaud de la cuisse d'un Francis Mer,
Ces mots qui ont le bâton, le bras long,
La sympathie du fisc et les fluctuations du CAC 40 pour horizon,
Ces mots qui montent en grade selon la marge et l'offre,
Ces mots qui montent la garde de chaque côté du coffre,
Ces mots qui traquent mon froc, ma thune et mes allocs,
Mes pauvres 507 heures et mon ticket modérateur,
Ces mots qui se marrent déjà du peu qu'il restera
Et qui te soufflent que le beau gâteau là-bas n'est pas pour toi.

Refrain :
Maîtres mots et mots du maître,
Maîtres mots à suivre à la lettre,
Ordre des mots et mots de l'ordre,
Ordre des mots dressés pour mordre.

Ces mots dans le barillet des sécurités
Qui retrouvent ma trace et ouvrent la chasse,
Ces mots sans sommation, sans scrupule ni regret,
Ces mots à te faire peur, ces mots à te faire taire,
Ces mots qui regardent ailleurs quand Habib est tué à terre,
Le 9 bis pour tout drap mortuaire,
Ces mots qui ont dans la poche
Un juge et une quinte floche,
Ces mots qui ont dans l'œil
La poutre d'une guerre sans deuil.


Souvenirs au cri du temps béni des colonies,
Pour peu qu'on gratte, pour peu qu'on se batte,
Pour peu qu'ils craquent,
Ces mots qui quoiqu'on y fasse refont toujours surface,
Ces mots, ces coups, ces coupables désignés,
Ces Mohamed, ces moricauds,
Ces mauvaises bêtes à mauvaise peau,
Ces mots que je porte si bien qu'ils collent à mon ADN,
Ces mots que je porte si loin qu'ils en deviennent des chaînes.

Refrain


........................................................




Hamé, les mots mis à mal ?

Maître mot, mots du maître.

Hamé de La Rumeur

Qui veut jouer avec les mots ? Attention… jeu dangereux.

Le chiasme Maître mot, mots du maître, met en lumière, par cette inversion contrôlée, le lien étroit entre le pouvoir et le langage.

Le pouvoir aujourd'hui, c'est la parole. Hamé l'annonce et compte bien le prouver.

La parole de pouvoir est détenue, retenue par quelques uns pendant que d'autres restent sans voix.

Les mots sont jetés : le texte va mettre en scène ce rapport de force.

Il passe au crible ces mots du pouvoir qui vous dépouillent, ces mots de la loi qui vous font taire pour mieux se taire et enfin ces insultes qui vous transforment en être de mots.


Ces mots au pouvoir.

Le démonstratif « ces » répété dès le début présentent les mots dans un grand bruit de sifflement. On tremble : « Oh, on va avoir droit à un inventaire de mots ! »… et non !

Ne vous attendez pas à trouver un flow technique, mais pourtant Hamé réussit à imposer un rythme approprié : la répétition devient litanie. La langue claque.

Avec le retour anaphorique de « ces mots », l'armée de mots se déploie lentement.


Des mots qui circulent en circuit fermé : « des cénacles aux plateaux, des plateaux aux éditos ». Des mots en mouvement dans des lieux symboliques, la dénonciation commence…

Hamé compte bien faire éclater ce pouvoir concentré.

Le texte se veut ring et accueille un face à face inégal. Le « je », seul, confronté à ces mots sauvages : « Ces mots, ces serres, ces crocs ». Le rythme ternaire suit la transformation de ces mots en membres d'animaux prédateurs. La personnification transforme du même coup ceux qui utilisent ces mots en prédateurs, des rapaces et des fauves. Ces animaux nous encerclent en sifflant avec l'allitération en « s » : « ses squales, ces serres, ces (…) ma sueur ».

Les mots sont les armes privilégiées d'un système de domination institutionnalisé. Le dominé est identifié : « ces mots qui traquent mon froc, ma thune et mes allocs, mes pauvre 507 heures et mon ticket modérateur ». Le « je » n'apparaît qu'à travers ses biens, peu nombreux, dont il sera privé. L'énumération met en relief le caractère inexorable et progressif de ce dépouillement.

Le « je » seul face à au pluriel « des mots ». Les ennemis multiples et organisés s'attaquent aux êtres isolés sans défense et surtout sans argent.

Les meutes de mots sont les instruments du pouvoir, prêtes à te dévorer. Ils sont systématiquement en position sujet, et lorsqu'ils s'accordent au verbe « laisser » ce n'est surtout pas pour faire un don : « laissent rien, laissent crever, laissent faire ». L'effet déceptif « laisse…rien » met en garde contre les fausses promesses car ces mots savent faire passer des claques pour des caresses.

La reprise en parallèle de deux formules quasi-identiques : « ces mots qui montent en grade/ (…) ces mots qui montent la garde » fait sonner la paronomase (grade/garde). L'ascension reste possible mais pour des privilégiés qui ferment la porte derrière eux.

Ces mots ne sont pas seulement acteurs mais aussi spectateurs de notre propre perte : « ces mots qui se marrent déjà du peu qu'il te restera et qui te soufflent que le beau gâteau là-bas n'est pas pour toi. » On est passé de l'histoire personnelle d'un « je » à notre histoire avec ce « tu » qui nous prend à partie et nous implique.

Nous aussi nous sommes les victimes de ce système. Système qui attise le désir (symbolisé par le gâteau appétissant) et en même temps nous prive de sa satisfaction. Tentation et désillusion sont produits par les mots du pouvoir (mots de la publicité : « tout est possible » contre mots de l'huissier : « vous êtes en surendettement »). Le rire ici est diabolique, un rire de domination et de plaisir sadique.

Le refrain vient clore ce premier couplet. Le titre est repris avec en plus des assonances en « r » et « d » qui sonnent et miment l'agressivité « ordre des mots et mots de l'ordre » « dressés pour mordre ». Les mots se font entendre et grondent. Le refrain revient au cœur et à la fin du morceau pour avoir le dernier mot.

Les mots agresseurs et spectateurs moqueurs deviennent criminels ou complices dans le couplet suivant.




Ces mots qui font taire et se taisent.

Ces mots sont à l'image d'une justice et d'une administration déshumanisées : « ces mots sans sommation, sans scrupule ni regret ». Des mots qui oublient le passé, qui effacent l'histoire. Mots qui paradoxalement tuent les nôtres : « ces mots à te faire peur, ces mots à te faire taire ». Un lien de cause à effet est implicitement suggéré par le parallélisme : un silence imposé par la frayeur.

Les mots sont à nouveau personnifiés « Ces mots qui regardent ailleurs quand Habib est tué à terre ». Ils deviennent le symbole de l'indifférence avec laquelle sont traitées les bavures policières. Le prénom utilisé désigne le cadavre à terre et l'humiliation d'une mort raciste et injuste. Le tableau macabre est dressé par touches successives. Le « 9 bis pour tout drap mortuaire », avec ce détail à la fois pittoresque et terrible, cette bavure prend la couleur authentique d'un fait divers oublié par les journaux. Hamé réussit en quelques mots à donner à voir cette scène. Peinture furtive qui lutte contre le silence des mots de la loi. Ces mots des médias et ceux du rapport de police qui, selon Hamé, vont taire à l'unisson ce type d'affaire.

Le « 9 bis », fait aussi référence à une adresse plus connue…le crime se cache derrière le silence complice d'un certain ministère.

Les mots coupables sont donc aussi ceux qui ne sont pas prononcés. Ce silence peut être non plus sur un fait divers mais sur une période de l'histoire : « ces mots qui ont dans l'œil la poutre d'une guerre sans deuil ». La métaphore biblique vient rappeler à la France tous les non-dits sur la guerre d'Algérie alors que d'autres guerres font la Une. Le « sans deuil » répond en écho à la mort sans drap mortuaire. Un deuil impossible, une dignité confisquée, qui condamne à la souffrance perpétuelle.




Ces mots qui déforment et enferment.

Enfin, ces mots sont aussi ceux de l'insulte. Les mots deviennent alors parole de l'humiliation. La violence est mise en scène dans la métaphore des mots qui deviennent «coups ».

Hamé reprend les mots des autres pour les mettre à distance : « le temps béni des colonies ». Une formule qui en dit long sur une époque ; formule sortie tout droit de la bouche du français préféré des français…

Le retour anaphorique de « pour peu », « pour peu qu'on gratte, pour peu qu'on se batte, pour peu qu'ils craquent » met en lumière la résistance à la fois nécessaire et vaine puisque "ces mots quoiqu'on fasse refont toujours surface ». La vanité de nos efforts est soulignée par le préfixe re- qui donne à voir cette lutte répétée et l'adverbe « toujours » qui l'inscrit dans une temporalité infinie. La bataille contre les mots s'avère être aussi désespérée que celle de Sisyphe contre son rocher

Ces mots violents sont des mots boomerang qu'on essaye de faire taire mais qui reviennent avec plus de force encore.

Des appellations sont énumérées. Le rythme de l'énumération met sur le même plan ces termes à la fois changeants et toujours identiques : « ces Mohamed, ces moricauds, ces mauvaises bêtes ». Mots qui désignent l'autre avec mépris, qui veulent humilier en ne reconnaissant pas son identité. On le classe dans une catégorie réductrice (ils s'appellent tous Mohamed !) ou dévalorisante pour mieux l'humilier. On le réduit même à l'état animal, dans leur bouche il n'est plus un homme, leurs mots le transforment en « mauvaise bête ».

Le poids des mots est tel qu' Hamé réactualise une formule figée, il ne s'agit plus de coller à la peau mais plus profondément encore à l'ADN : « (…) que je porte si bien qu'ils me collent à mon ADN ». Des insultes et des clichés tellement répétés que beaucoup ne voient plus l'homme mais tous les mots qu'on a associés à son origine ou sa couleur. Une identité de mots imposée et subie car elle réduit l'autre à une image stéréotypée et raciste.

Le rap plus que jamais est réappropriation de la parole.

Hamé convoque ces mots pour les faire plier et leur faire avouer qui est le maître…






Par Fatima Aït Bounoua

( un extrait de cette analyse a été publiée dans le magazine FUMIGENE )



Petites définitions rapides :

Anaphore ou retour anaphorique : répétition d'un même mot ou groupe de mot en début de phrase ou de vers.

Enumération : liste de mots



Allitération : répétition d'un même son consonantique " Pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ?"

Assonance : idem mais répétition d'une même voyelle



Chiasme : Construction en croix, par exemple " Mot du maître // maître mot

Paronomase : Rapprocher des mots différents ayant des sons très proches ex "Affreux Alfred"
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